De bronze et de souffle, nos coeurs, de Jeanne Benameur

En septembre 2014, une nouvelle collection naît au sein des éditions Bruno Doucey. Nommée « Passage des arts », elle a pour but d’offrir des ouvrages où la poésie croise une autre discipline : gravure, photographie…Le recueil dont je souhaite vous parler est celui qui a inauguré cette collection. Il s’agit de « De bronze et de souffle, nos cœurs », écrit par Jeanne Benameur et illustré par le sculpteur et plasticien Rémi Polack.

À l’origine de ce dialogue entre deux artistes sont les sculptures de Rémi Polack, qu’il ne tarde pas à transposer en gravures. Celles-ci seront la source d’inspiration de Jeanne Benameur, qui s’en servira pour construire un monde nouveau, peuplé de multiples créatures.

« Tu es cet homme qui marches dans les rues et rien ne te différencie des autres hommes. »

Dès la première phrase, le lecteur est invité à prendre la place du personnage principal. Il s’agira, le temps du recueil, d’être le héros de ce voyage au cœur d’un univers inconnu.
Durant l’introduction sous forme de poème en prose, le lecteur bascule du monde contemporain ordinaire à un monde fantastique, dont les principaux habitants sont les sculptures de Rémi Polack.

« Il y a des jours où il te peine de parler. Tu voudrais pouvoir tenir la bouche close sur tous les mots qui palpitent au fond de toi. Mais il te faut parler comme le font tous les autres.
Alors tu dis des choses sans importance. Pour aller dans le jour.
Dans ta bouche le silence se ramasse.
Tu penses à la lumière très douce des réverbères au crépuscule.
Tu caresses le caillou ramassé il y a très longtemps sur une plage, celui qui garde en empreinte une patte d’oiseau. Tu espères à nouveau La Ville au fond de toi. »

Le recueil est composé d’une suite de portraits qui, peu à peu, font découvrir au lecteur cette autre dimension qu’il abrite en lui. Finalement, il s’agit d’apprendre à vivre, quels que soient ce et ceux qui nous entourent…
Un voyage fabuleux, qui ouvre le passage entre les mots et l’imaginaire.

« On ne sait jamais le lieu où ce qui n’a ni début ni fin
nous empoigne
On sait juste que le combat a eu lieu
Et personne n’en témoigne

Quand il se remit à marcher vers les lieux habités
son corps était léger
Le soleil rasant le traversait
les nuages le traversaient
et la lumière de midi aussi »

♦ Pour découvrir les travaux de Rémi Polack, c’est par ici.

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« The Nutritionist », par Andrea Gibson

Aujourd’hui, je vous propose de découvrir un texte de la poète Andrea Gibson. Par le biais de son oeuvre, elle expose son point de vue sur les combats sociaux et politiques actuels, et défend son engagement pour les droits de la communauté LGBT (lesiennes, gays, bisexuels et trans). Cependant, ses poèmes ne se limitent pas à ça et on peut toujours y trouver une portée universelle – ainsi qu’une grande sensibilité, aussi bien dans les mots que dans la voix.
Le texte que j’ai choisi évoque la dépression, et fait notamment allusion à celle qui touche les adolescents homosexuels.
Une performance forte, qui traite d’un problème encore trop actuel.

Pour voir les paroles et la traduction :

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Factures du temps, de Didier Vergnaud

En mai 2014, la maison d’édition Le Bleu du Ciel publie un petit recueil de poèmes de son fondateur, Didier Vergnaud.

Certains livres demandent du temps. Temps de lire, mais surtout temps de digérer, de l’oublier entre d’autres livres pour mieux en savourer la relecture. Factures du temps est un recueil qui porte bien son nom : il exige une approche patiente, une lecture sans précipitation, tant les textes qu’il contient ne s’embarrassent pas du superflu. Poèmes courts aux vers aiguisés, les morceaux choisis par Didier Vergnaud pour constituer cette sorte « d’anthologie personnelle » peuvent déconcerter au premier abord. Si l’écriture est loin d’être sèche, on perçoit tout de même une recherche de l’essentiel, une absence de tout ce qui risquerait d’encombrer le propos, de bousculer l’équilibre fragile qui s’esquisse entre les lignes.

« dans un brouillard de lampion
soupe chaude en dehors du climat
plus de sable
plus de prise
jour de fanion »

Malgré tout, la voix tremble, les mots se bousculent parfois, hésitent au bord des vers : entre la maîtrise parfaite du verbe et la sensibilité, quelque chose grandit. Il n’y a pas de sens caché à déceler, d’énigmes à résoudre. Au contraire. Il s’agit de baisser sa garde et de se laisser happer par cette voix, de s’habituer à elle et d’apprendre à l’écouter.
Le temps éclate. On pose le recueil. Plus tard, on revient vers lui. On feuillette. On comprend que ce livre nous demandera du temps, mais que, comme tous ceux de son espèce, il saura trouver sa place en nous.

« Cible ouverte à tous
crayonneuse, effritée.
Cette cible cherche des éléments
de dévoration.

Cible cousue main.

Violence sur le territoire
du temporaire. »

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